Entretien avec Omar, étudiant et vendeur de café

La première fois que j’ai vu le stand d’Omar c’était en allant à la Galerie Adam. J’ai toujours trouvé les stands de Nescafé® très beaux, mais celui-ci était particulièrement mis en valeur, avec son parapluie multicolore, sur fond de ciel bleu en cette journée d’hivernage. J’ai demandé à son propriétaire s’il m’autorisait à prendre une photo de son stand, et nous avons entamé la discussion. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance d’Omar, lequel a accepté que je lui pose des questions sur son parcours, le métier de vendeur de café et son quotidien. Omar a 23 ans, un BAC option langue arabe en poche, et comme beaucoup de Dakarois il transmet une belle énergie positive. 

Le saviez-vous ? Ce type de stand s’appelle un PoussPouss Café.

Pendant presque 2 heures, j’ai pu observer le ballet quasi incessant des clients qui vont et viennent au stand, que ce soit pour une boisson chaude, une cigarette ou les 2. Ouvrier avec son casque de chantier sur la tête, laveur de voiture, jeune cadre, vendeuse, client pressé sur un scooter… le profil de la clientèle est varié. Une chose est sûre : il ne faut pas avoir peur d’être interrompu lorsqu’on essaie d’avoir une discussion avec un vendeur de PoussPouss Café ! Mais quel excellent moyen de se plonger dans le quotidien de la vie dakaroise, et de toucher du doigt l’énergie positive de ses habitants ! Je réalise dans ces moments-là à quel point je suis chanceuse de pouvoir prendre le temps de me poser, d’observer Omar réaliser ses cafés avec des gestes experts et de découvrir la recette du café citron. J’adore contempler ces fragments du quotidien des dakarois et partager d’authentiques instants de vie, en me laissant bercer par le bruit de la ville : conversations, klaxons de taxis, ronronnements des moteurs…

Omar Ly, devant son stand.

Omar m’accueille avec un café, ce qui est toujours bienvenu le matin ! Le café est délicieux. A ma grande surprise il s’agit de Nescafé® classique, pas d’ingrédient magique, mais la technique pour le préparer explique le goût différent de celui que l’on fait à la maison. D’ailleurs, comme on peut le voir sur les vidéos, la préparation (dont le but est de dissoudre le café et le sucre pour un mélange homogène) a quelque chose d’artistique.

La technique pour préparer un bon café !

Omar, est-ce que je peux vous tutoyer ? 

Oui ! 

Comment ton frère et toi vous êtes vous lancés dans ce business ? 

J’étais encore étudiant au Lycée, et pendant le Covid, en 2020, les cours ont été arrêtés. Mon père m’a dit qu’il fallait que je travaille, il connaissait une personne qui vendait son stand. Il voulait l’acheter pour que je puisse m’y installer. Au début, je ne voulais pas accepter, mais comme c’était mon père qui me le demandait, j’ai accepté sa parole. J’ai acheté le stand et je suis venu y travailler. 

Quand les cours ont repris au mois d’octobre 2020, c’est mon grand frère Mamadou qui a pris le relais pour me remplacer. Depuis on alterne. Il travaille sur le stand à l’année, et je le remplace pendant les vacances scolaires. Là, il est parti environ 2 mois en Guinée, pour se reposer, donc c’est moi qui travaille ici en ce moment. 

Guinée Bissau ou Guinée Conakry ? 

Guinée Conakry. Mes parents en sont originaires. Moi, je suis né au Sénégal. Je suis allé quelques fois en Guinée Conakry, mais je connais mieux le Sénégal. 

Cela n’a pas été trop dur de lancer le stand en plein Covid ? 

Si, la période du Covid a été difficile sur tous les plans. Heureusement, cela a bien redémarré depuis. 

D’ailleurs, combien coûte un stand ? 

Il faut compter environ 80 000 à 90 000 CFA. Certains sont plus chers. 

Quels produits proposes-tu ?

Sur ce stand on trouve du café Nescafé®, du café au lait, du café citron, du thé Lipton, du Wass (gingembre/citron), de l’eau chaude citron… Mais aussi des cigarettes, que je vends à l’unité, des paquets de mouchoirs, des bonbons (à la menthe, au gingembre, choco-menthe), des biscuits (Bisko, Biskrem et Bissroll)…   

J’aimerais retirer la grille pour mettre une vitrine, cela me permettrait d’avoir plus d’espace donc plus de produits différents.

On peut payer son café en espèces, mais aussi en « Mobile Money » :
Orange Money et Wave, des applications très répandues au Sénégal.

Est-ce ce café que l’on appelle le café Touba ? 

Non, ça c’est le café Nescafé® ! Le café Touba c’est un autre type de café mais je n’en propose pas sur ce stand. 

Combien coûte un café simple ? 

Il y a 3 modèles, le petit à 50 CFA, le moyen à 100 CFA et le grand à 200 CFA.

Chaque espace sur le stand est utilisé pour un rangement optimal.

Quelle est la consommation de café à Dakar ? Y a t’il des heures ? 

Les gens boivent beaucoup de café, et à toute heure ! Même le soir. Certains clients viennent plusieurs fois par jour, jusqu’à 5 fois !

Quel produit vends-tu le plus ? 

Le café ! Et les cigarettes…

Quel est le profil de ta clientèle ? 

J’ai beaucoup de clients réguliers qui travaillent dans le quartier. Majoritairement des sénégalais, mais aussi quelques libanais, et des européens. J’avais même des clients français qui habitaient juste à côté. On avait sympathisé, mais ils sont partis. Il y a aussi des clients de passage. 

Un client d’Omar, qui travaille dans un bureau à proximité.

Est-ce plutôt des hommes ou des femmes ? 

Les 2, je vois même des enfants, certains boivent du café à partir de 13 ans. 

Où te fournis-tu en marchandises ? 

J’achète tout dans une boutique au coin de la rue. 

Comment maintenir le café au chaud sur un stand où il n’y a pas d’électricité ? 

Omar ne dit rien, mais il désigne le centre du PoussPouss Café. Il ouvre une trappe, et je découvre une théière en inox posée sur un réchaud au gaz :

« Il y a un gaz ici à l’intérieur, je fais chauffer l’eau sur le réchaud, et je la transfère dans le thermos. Il y a de l’eau chaude en continu. J’utilise environ 20 litres d’eau par jour. »

Optimisation de l’espace et ingéniosité :
encore un exemple de la débrouillardise que l’on peut observer à Dakar !

Les clients ont-ils tendance à parler lorsqu’ils viennent sur le stand ? 

Ça dépend ! J’ai des clients qui prennent juste leur café et repartent. D’autres auront tendance à rester bavarder, certains veulent parler de politique ou de l’actualité.  

Aujourd’hui, veille de Magal c’est une journée calme ? 

Oui, c’est calme, en temps normal à cette heure là (midi), on ne serait pas en train de parler ! D’ailleurs j’ai eu beaucoup de mal à venir jusqu’au Plateau ce matin. J’ai fini par prendre un car rapide. 

Ndlr : le Magal de Touba est une fête religieuse au Sénégal, pendant laquelle les gens partent en pèlerinage à Touba, la ville sainte du Sénégal. Les transports – taxis, taxis clando, bus Tata etc. – sont donc utilisés pour faire l’aller / retour. David, un client d’Omar, m’apprendra que les catholiques sont les bienvenus à Touba, y compris pour le Magal. “Ce qui compte c’est la foi, et les actes, peu importe que l’on soit musulmans ou catholiques”. Le Sénégal est un modèle de vivre ensemble.

Omar s’accorde une pause café entre 2 clients et 2 questions de ma part !

Comment trouve-t-on l’emplacement de son stand ? Faut-il demander des autorisations ? 

Oui, il faut d’abord avoir l’accord du propriétaire de la boutique devant laquelle on s’installe. Moi j’ai demandé l’autorisation à Pape de la Galerie Adam. Avant j’étais sur un autre emplacement. Ensuite, il faut aussi voir avec la Mairie, à laquelle on paye une redevance quotidienne.

En effet, pendant notre entretien, un employé de la mairie est passé au stand, Omar s’est acquitté de la redevance quotidienne de 150 CFA. 

Il y a beaucoup de stands de café au Plateau, y-a-t-il des règles pour se partager le marché ?

On fait cela en bonne intelligence. Par exemple, il y a une dame qui vend de l’ataya en face de mon stand. Donc je n’en proposerai pas. Il y a de la place pour tout le monde, on se respecte mutuellement. 

Préparation d’un wass, pour un client qui s’est enrhumé pendant l’hivernage.

Le stand reste-t-il toujours ici ou faut-il le ranger le soir venu ? 

Tous les soirs, on ramène le stand dans un parking à proximité, dans lequel sont stockés plusieurs PoussPouss Café. On le laisse là-bas le dimanche aussi. Il faut compter 200 CFA pour la nuit. On ne paye pas la journée du dimanche, uniquement les jours où l’on travaille.

Quels sont tes horaires ? 

J’arrive à 6 heures le matin, et je pars vers 20 heures. Je suis là du lundi au samedi, je ne viens pas le dimanche. Je passe beaucoup de temps debout, et c’est non-stop toute la journée ! C’est pourquoi mon frère avait besoin de repos cet été.  

Tu as des projets pour l’avenir ? 

Bien sûr ! J’ai des rêves, comme tout le monde. Cette année, j’ai eu le Bac. J’aimerais continuer mes études : aller à l’université, étudier l’arabe. Peut-être à l’Université de Mbao ou Cheick Anta Diop. Mais si je ne peux pas me le permettre financièrement alors je reviendrai travailler sur le stand. Plus tard, j’aimerais ouvrir une boutique, comme celle où je m’approvisionne. Peut-être en avoir plusieurs. Et un restaurant, qui sait ? 

J’ai pu poser mes questions, il est temps de laisser Omar travailler tranquillement !

Merci Omar pour ton accueil et d’avoir pris le temps de répondre à toutes mes questions ! Je te souhaite beaucoup de réussite dans tes projets et le meilleur pour l’avenir.

Si vous voulez goûter un délicieux café citron, RDV devant la Galerie Adam, à l’angle de la rue Félix Faure et Mohamed V.  


Commentaires

2 réponses à “Entretien avec Omar, étudiant et vendeur de café”

  1. Youssouf Diallo ( Coutinho )

    C’est un ancien camarade de classe,un jeune courageux très ambitieux, on a passé plusieurs années ensemble que ce soit en classe comme en dehors .
    Je prie pour que dieu lui facilite le chemin qu’il a emprunté,afin de parvenir à ses objectifs.

  2. Merci pour ce chouette reportage. Et beaucoup de chance et de bonheur à Omar. Si je passe dans son quartier, je ne manquerais pas d aller le voir.

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