L’Afrothèque est une bibliothèque qui regroupe plus de 6000 ouvrages d’auteurs d’Afrique subsaharienne, du Maghreb, des Caraïbes, et de la diaspora. Pape Malick Barros, le co-fondateur, a décidé d’associer sa passion de la lecture à l’Afrique. Il est notamment parti du constat que les livres d’auteurs africains sont encore peu accessibles. En effet, le livre en Afrique – et au Sénégal particulièrement – reste un objet cher à l’achat en librairie. Ceci provoque une sous-représentation de ces auteurs, pourtant nombreux à écrire chaque année, ne serait-ce qu’au Sénégal.
Mais le concept de l’Afrothèque va encore plus loin. Pape Malick voulait non seulement fédérer la littérature africaine dans un espace mais aussi fédérer les lecteurs. « Il y a 28 nationalités différentes représentées parmi nos lecteurs. En fait, c’est comme si on avait l’Afrique miniaturisée ici ! Les lecteurs se fréquentent, se soutiennent, se forment, se conseillent et surtout ils collaborent. ».
Pour illustrer cela, l’exemple le plus parlant est le concept de l’Afroculinaire. Il s’agit d’une rencontre, qui a lieu le dimanche, pendant laquelle l’un des lecteurs propose un plat typique de son pays. Chaque participant cotise pour participer à la préparation de ce plat. « C’est un vrai moment de découverte, qui permet à des lecteurs ayant quitté leur pays depuis longtemps de se réconcilier avec des mets de chez eux, tout en les faisant découvrir aux autres. ». Pape Malick a constaté que lorsqu’on quitte son pays d’origine on a tendance à en regretter la nourriture. Partager un plat typique de chez soi, c’est aussi un moyen de se rapprocher des autres en leur faisant découvrir un aspect de sa culture.
Les vendredis, place au cinéma avec l’Afrocinéclub qui consiste à promouvoir le cinéma Africain. Si ce dernier a eu à gagner un nouveau souffle avec des réalisateurs comme Djibril Diop Mambéty ou Ousmane Sembène, il n’en reste pas moins assez méconnu de la nouvelle génération. Ainsi l’Afrothèque réunit des réalisateurs, des acteurs, et des personnes qui s’affirment dans le secteur cinématographique, pour échanger sur la manière dont l’Afrique peut prendre part à l’industrie cinématographique mondiale en ayant un impact positif. « L’enjeu est aussi de comprendre en quoi cela peut nous être utile en tant qu’africains. Avec l’avènement du digital, du numérique, il y a un perpétuel changement, il faut savoir se mettre à la page, s’adapter et comprendre les enjeux pour y apporter des solutions. » explique Pape Malick.
Enfin, l’Afrothèque revendique une mission de transmission envers les plus jeunes, qui va plus loin que l’espace jeunesse dédié aux apprentis lecteurs. Des ateliers de lecture pour les enfants sont régulièrement organisés, permettant de découvrir un nouveau format de lecture, et d’échanger avec l’auteur. « Lorsqu’un enfant a l’opportunité de discuter avec l’auteur cela change sa perspective de lecture. Les enfants font preuve d’une grande curiosité et ces ateliers donnent lieu à des échanges passionnants ! C’est ce genre de moment que l’on veut créer ici, permettre aux enfants de découvrir autre chose que les tablettes et les téléphones, dans un monde où ils y sont de plus en plus exposés… ».
Des ateliers de prise de parole en public sont aussi organisés dans une salle dédiée. Pour cela Pape Malick s’appuie sur le théâtre non pas pour son aspect scénaristique, mais pour son aspect expressif, afin d’aider les plus jeunes à travailler sur leur expression orale. Le but est de préparer les étudiants à leur entrée dans le monde de l’entreprise, en leur permettant de s’exprimer de manière claire et impactante, que ce soit en entretien d’embauche ou lors de leurs futures missions. Les intervenants les sensibilisent à l’importance d’oser affirmer des propos en ayant un discours structuré et argumenté. Pour cela Pape Malick et son équipe n’hésitent pas à s’appuyer sur des méthodes « qui ne sont pas qu’africaines, qui sont internationales. On travaille sur beaucoup d’œuvres, dont certaines de Shakespeare. On s’appuie aussi sur le travail du Professeur Massamba Gueye, qui a fourni des travaux sur l’expression orale dans une dynamique africaine, avec l’auto-régénérescence du conte. C’est intéressant de voir comment prendre ce qui existe ailleurs, le mélanger avec ce qui existe en Afrique pour répondre au mieux à nos réalités actuelles ».
On sent que la transmission lui tient à cœur. Avant de quitter l’Afrothèque, j’assiste à un échange entre Pape Malick et une jeune lectrice tenant 2 livres en main. Pape Malick lui demande avec bienveillance si elle a avancé dans sa lecture d’Une si longue lettre, le roman de Mariama Ba. La fille lui répond qu’elle n’a pas l’habitude de lire des romans, elle a lu environ une cinquantaine de pages. Il lui propose alors une astuce. Comme toute activité, la lecture est une question d’habitude : et si elle essayait de lire chaque jour 10 pages ? En une semaine elle pourra constater avec satisfaction qu’elle a lu 80% du livre. On souhaite à Pape Malick de continuer à initier les jeunes à l’amour de la lecture, et à cette jeune fille de finir ce chef d’œuvre de Mariama Ba, qui sans nul doute lui donnera envie de continuer sa découverte des auteurs du continent !
Pour découvrir l’Afrothèque rdv ici 7 jours / 7 de 9h à 18h.
Sicap Rue 10, rue B, villa N°13305.
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